EXPOSITION DES EX-LIBRIS DE ERNEST HUBER AU CENTRE DE GRAVURE DE CÉRET
Cette exposition qui se tiendra à la rentrée est le fruit d’une belle rencontre avec la dernière compagne de M. Huber, Mme Blandine Archambault-Huber, dépositaire de son œuvre artistique à Céret. Minutieusement rangés dans des boîtes, ex-libris, cartes de vœux, bois et outils attendaient l’occasion de ressortir au grand jour. C’est fait, pour notre plus grand plaisir. Ernest Huber a réalisé pour les siens, pour des amis, plus d’une centaine d’ex-libris de très belle qualité, ses bois gravés sont d’une grande finesse. Son univers est à découvrir au Centre de gravure.
PORTRAIT
Né en 1910 dans l’Alsace alors allemande, Ernest Huber est le benjamin de quatre enfants. Étudiant à l’École des Arts décoratifs de Strasbourg, il s’oriente rapidement vers les arts graphiques et l’illustration et bénéficie de l’enseignement de graveurs de talent, dont G. Ritleng qui l’oriente vers la création et la collection d’ex-libris. Il poursuit sa formation à l’Académie des Arts graphiques et des métiers du livre de Leipzig de 1930 à 1931. En 1932 il fait un stage de décoration au théâtre de Strasbourg dont il illustre la brochure avec des gravures sur bois et dessine les costumes pour l’opéra “Elektra” de Richard Strauss. Il poursuit sa formation au cours libre de l’École des Arts décoratifs de Strasbourg jusqu’en 1935. C’est à cette époque qu’il devient illustrateur anatomique à la faculté de médecine de Strasbourg, métier qu’il exercera pendant toute sa carrière. En 1959 il est rattaché à l’Institut d’Anatomie pathologique.
Parallèlement à ses quarante années d’activité professionnelle, durant ses loisirs, il grave des ex-libris et des cartes de vœux. Son œuvre est récompensée par sa nomination comme Chevalier (1958) puis Officier (1975) dans l’Ordre des Palmes Académiques. Il devient membre de l’Académie d’Alsace, section Beaux Arts et participe en 1977 à la création de l’Association alsacienne de collectionneurs d’ex-libris. Après sa retraite, il continue la gravure, les dessins au crayon et à l’encre de Chine.
TECHNIQUE
Durant ses années de formation artistique (1926-1935), il fait la connaissance de Henri Bacher, de 20 ans son ainé, qui l’influencera fortement dans le domaine de la gravure sur bois. Il grave ses premières œuvres personnelles sur bois de fil (paysages, ex-libris). La gravure sur bois de fil, gravure dans le sens des fibres, lui permettait de réaliser des œuvres de grande taille, mais le résultat du travail à la gouge restait trop grossier à son goût.A partir de 1939, il abandonne la gravure sur bois de fil au profit de la gravure sur bois debout. Dans cette technique, le bois utilisé est celui de l’arbre coupé horizontalement. La surface obtenue est de dimension plus réduite, le bois est plus homogène et plus dur, mais autorise des traits fins. Son bois préféré est le buis. Ernest Huber, beaucoup plus attiré par des gravures de petits formats, trouve dans la gravure sur bois debout la technique parfaitement adaptée pour un dessin fin, et dans l’ex-libris l’objet graphique de petite taille par essence.
Grâce à sa formation à la gravure sur cuivre au burin, il développe sa propre technique de gravure sur bois debout : il dessinait préalablement l’illustration sur un papier calque, puis le reportait sur le bois grâce à un papier carbone et à un crayon très dur. Il reprenait alors à l’encre de Chine sur le bois, le dessin au crayon reporté à l’envers. Il passait ensuite un lavis très foncé sur toute la surface du bois pour lui donner une couleur presque noire. Alors, il débutait la gravure proprement dite. Chaque progression du burin mettait à jour la couleur naturelle du bois.
Le nombre d’exemplaires imprimés pour chacune des œuvres gravées était très variable. Les premières grandes gravures eurent peu de tirages. Exception faite de quelques créations, les ex-libris ont été tirés à une centaine d’exemplaires, souvent en plusieurs fois.
Quant au papier utilisé, il avait pu réaliser quelques tirages en 1932 sur du papier Japon, mais la Seconde Guerre Mondiale contrariera l’approvisionnement en papier européen de qualité ou japonais pendant de très nombreuses années (pénurie, importation difficile, mauvaise qualité, absence de production française après la guerre).
Les tirages des ex-libris gravés pendant la guerre et les années qui suivront seront souvent imprimés sur des supports de facture grossière. Grâce à ses relations à l’étranger, des amis américains lui expédieront du papier de riz en 1954… Les tirages limités sur papier Japon n’en deviendront que plus précieux.
EX-LIBRIS, VOUS AVEZ DIT EX-LIBRIS ?
Notre Centre de gravure a choisi de s’appeler EX-LIBRIS, en référence à cet objet artistique traditionnellement gravé en taille douce ou sur bois, dont la fonction est d’indiquer l’appartenance d’un livre. En latin libris meis, “faisant partie de mes livres”. Il est généralement de petites dimensions.
L’usage de marques d’appartenance sur les livres est très ancien, on le trouve déjà dans l’Egypte des pharaons, sous forme de tablettes, mais c’est au XVe siècle avec l’invention de la gravure qu’il se répand. Les armoiries figurent sur les premiers ex-libris. Au XVIIe et XVIIIe siècle, l’ex-libris devient l’apanage des nobles possédant des bibliothèques.
La bibliophilie lui donne un essor important et il prend une forme plus artistique et créative, chacun voulant être identifié grâce à un motif, un symbole, un animal… C’est l’ancêtre de notre “logo” contemporain.
Les artistes rivalisent d’invention, travaillant la plupart du temps au burin, mais aussi parfois à l’eau-forte. Certains artistes, comme Ernest Huber, privilégient la gravure sur bois debout, buis ou olivier, qui par leur dureté permettent une grande finesse d’exécution. L’ex-libris contient le plus souvent le nom de son propriétaire ou un espace réservé pour qu’il soit inscrit manuellement. Une citation ou une devise peut y figurer.
Très recherchés, les ex-libris font l’objet de collections. Un livre rare ou un livre ayant appartenu à un personnage célèbre, donne à l’ex-libris d’autant plus de valeur. En France la collection la plus remarquable est celle de l’Association française pour la Connaissance de l’Ex-Libris (AFCEL), elle est déposée à la bibliothèque bénédictine et municipale de Saint Mihiel, dans la Meuse.